Rendez-vous annuel du FSS – 24 octobre 2024
Gérald Larose et Jean Bergevin
Jean Bergevin, conseiller aujourd’hui à la retraite de la Caisse d’économie solidaire Desjardins (CESD) et Gérald Larose qui en est actuellement un des vice-présidents, présentent l’expérience d’une coopération internationale qui aura duré huit ans avec des organisations syndicales du Brésil : la mise en place d’alternatives aux banques privées, inspirées par le modèle québécois des caisses d’économie.
Dans un premier temps, Gérald Larose rappelle pour mémoire la figure marquante d’André Laurin dans l’implication du mouvement syndical pour le développement d’outils d’autonomie financière pour les travailleurs et les populations à faibles revenus. Laurin a été, dans la première moitié des années 1960, l’initiateur de cours sur le budget familial visant à libérer les consommateurs de l’emprise des compagnies de crédit, alors principaux pourvoyeurs de crédits à la consommations à taux abusifs. André Laurin a travaillé au développement de ce mouvement comme conseiller de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), ce qui l’a amené à créer la première Association coopérative d’économie familiale (ACEF) à Shawinigan, qui deviendra un mouvement implanté dans de nombreuses régions du Québec avec l’appui des centrales syndicales. Inspiré par ce qu’il avait vu en Yougoslavie, il a par la suite fondé à Québec la Caisse d’économie des travailleurs, devenue par la suite la Caisse d’économie solidaire reconnue par le mouvement Desjardins. André Laurin a aussi été l’inspirateur du Deuxième front à la CSN, comme le révèle son entrevue disponible sur le site de Productions Ferrisson : http://ferrisson.com/andre-laurin-csn/
La Caisse d’économie solidaire Desjardins (CESD), c’est quoi aujourd’hui?
Principale institution financière spécialisée dans les entreprises collectives au Québec, la CESD est un outil privilégié pour les organisations voulant gérer leurs avoirs et leurs finances de manière socialement responsable. De façon notable, l’expérience des 50 ans de la Caisse d’économie solidaire Desjardins le démontre. Début modeste en 1971 : 65 organisations syndicales décident de mettre chacune 5000$ pour assurer son démarrage en tant que caisse d’économie. Résultat : après 50 ans, cette caisse de groupes qui fait partie de la famille Desjardins est une de ses plus importantes caisses avec 3,8 milliards $ en volume d’affaires, 1,9 milliards $ en actifs, 1,7 milliards $ en épargne (dépôts des membres) et 1,2 milliards $ en prêts. Cette caisse est devenue le principal partenaire financier de quelques 20 262 membres dont 4 082 membres entreprises (syndicats, organisations communautaires et de solidarité internationale, coopératives, associations à vocation économique, associations culturelles) et de plus de 16 180 membres citoyens (au 31 mars 2021). La CESD s’engage sans hésitation, s’il y a une viabilité économique potentielle, dans des projets d’infrastructures économiques et sociales coopératifs et associatifs et de façon notable dans le logement social et abordable. Note : Le Fonds Solidarité est membre de la CESD depuis ses débuts il y a presque 15 ans.
Pour Gérald Larose, André Laurin a été en quelque sorte l’initiateur d’un mouvement social qui amènera la CSN à s’activer sur le terrain de la consommation, à travers l’ouverture d’un 2e Front visant à assurer aux travailleurs des meilleures conditions d’usage de leurs salaires obtenus en négociation. Les ACEF et les Caisses d’économie créées en milieu de travail deviendront des outils collectifs leur permettant d’abord de se libérer des compagnies de finance, de mieux « gérer » leur budget familial et par là à jeter les bases syndicales d’une finance solidaire. La CESD vient d’ailleurs de créer le Fonds André Laurin, en hommage à ce pionnier afin de de stimuler le développement d’outils collectifs de promotion de la finance solidaire.
L’expérience de la CESD au Brésil : comment améliorer l’accès à des services financiers alternatifs aux banques privées
Profitant de plusieurs années de collaboration entre la CSN et la centrale syndicale brésilienne, la Central ùnica dos trabalhadores (la CUT est la principale centrale syndicale au Brésil avec 7,5 millions de membres), le Réseau CSN de coopération internationale pour la finance solidaire et socialement responsable (dont étaient membres la Caisse d’économie solidaire Desjardins, MCE Conseils, Bâtirente, Fondaction et Filaction) ont été engagés pendant huit ans (2007-2015) dans un vaste projet de transfert d’expertise en faveur de leurs partenaires brésiliens ECOSOL, CRESOL (coopératives d’épargne et de crédit) et UNISOL (coopératives de travail) qui ont été invités à développer des services financiers collectifs en tant qu’alternative aux banques privées. Jean Bergevin a été le conseiller de la Caisse tout au long de cette collaboration.
Jean Bergevin témoignage sur son implication comme conseiller de la Caisse d’économie avec les syndicats du Brésil déterminés à s’engager dans le développement de ressources d’appui à des organisations agricoles et familiales. Cette implication s’est échelonnée sur huit ans afin de les aider dans l’élaboration de leur plan stratégique. Démarche par laquelle ils ont pu se donner une vision à long terme et une planification amenant graduellement à définir les contenus et les « contenants » de ce qui apparaissait comme la nécessaire création d’une alternative aux banques privées dans le financement des organisations de production agricole et de consommation familiale.
Ce cheminement, nous dira-t-il, s’est réalisé dans le cadre d’un accompagnement de longue durée avec les responsables syndicaux, dans le respect de leurs rythmes et façons de nommer, analyser et expérimenter les problèmes, besoins et solutions des organisations aidées. Ce qui était au départ une idée visant à chercher une alternative aux banques est devenue une vision qu’ils ont pu actualiser graduellement dans une organisation qu’ils ont nommée Alternativa.
Pour Jean, il est difficile d’établir une mesure d’impact pour une démarche du genre. Mais le changement se fait avec, et surtout par les acteurs. C’est là une clé de cette coopération : prendre le temps et avoir la bonne attitude pour les aider à dégager une perspective claire, cohérente et conséquente de ce qui est possible et nécessaire de faire pour changer les choses. C’est ce qu’on pourrait appeler une stratégie d’accompagnement autant qu’une aide experte d’accès à des prêts. C’est cette dimension de Services-conseil que la CESD se préoccupait d’apporter.