Au Centre Saint-Pierre, le 31 mai dernier, nous avons jasé, discuté, échangé pour tenter ensemble de voir plus clair sur l’avenir du « communautaire » aujourd’hui …et demain. Plusieurs têtes de réseaux, des jeunes aussi et bon nombre de militants aguerris qui en avaient vu d’autres. Côté contenu, à des degrés divers, le défi écologique, affirmé comme étant au coeur de la lutte contre les inégalités, a eu de la résonance. Mais le lien entre la question sociale et le défi écologique demeure largement à faire selon la plupart des interventions Du coup la proposition du livre à l’effet qu’il faut investir dans une réflexion stratégique pour se donner comme mouvement un horizon, une politique de transition écologique et un plan de match à ce propos s’est avérée pertinente. L’échange qui a suivi a réveillé quelque chose qui semblait quelque peu endormi. Suite de la réflexion collective à laquelle la conférence a donné lieu avec la collaboration de Chantal Lever (les écolos) et Francine Néméh (les coopératives), Sébastien Rivard (communautaire autonome), autre collaborateur, figure dans le premier billet.
Mais avec et à côté des organisations communautaires, les coopératives sont-elles de la partie?
Francine Néméh, ex-directrice de la FECHIMM, a répondu à cette question de la façon suivante :
Il y a une dizaine d’années, la FECHIMM s’est dotée d’un programme d’efficacité énergétique en collaboration avec Hydro-Québec. Elle est intervenue dans la grande majorité des coopératives du Québec dont la réponse a été impressionnante, pour procéder aux travaux nécessaires permettant de réduire la consommation d’électricité.
Certaines coopératives récentes dont la coopérative Le Coteau vert dans la Petite Patrie, coopérative de 95 logements, ont décidé de se doter de mesures vertes qui demandent aux membres de s’impliquer quotidiennement pour économiser l’eau, l’énergie et pour faire des choix de transport plus écologiques. À titre d’exemple, les mesures adoptées : projet certifié Novoclimat; emplacement à deux pas du métro Rosemont et de la piste cyclable; à proximité de véhicules de Communauto (autopartage); puits géothermique pour le chauffage des logements; boucle d’eau chaude domestique centralisée; renforcement de la structure pour l’installation future de panneaux solaires et de toits verts; récupération de la chaleur des eaux usées; accès à des compostières communautaires; accès aux jardins collectifs. La coopérative s’est aussi dotée d’un toit vert, lieu de rencontre et d’évènements culturels qui contribue au développement de l’agriculture urbaine.
Une autre coopérative, La coopérative d’habitation Cercle carré dans le Vieux-Montréal, a réalisé un projet que caressent de nombreuses autres coopératives en inaugurant son toit vert en 2015. Une réalisation qui, aux dires de ses membres, n’aurait pas été possible dans le secteur privé.
En 2015, la Fédération s’est associée à la SHAPEM (Société d’habitation de l’Est de Montréal) au Plan d’action Canopée, un projet de verdissement qui vise à faire passer de 20 à 25% le pourcentage de couvert arborescent d’un site. Le quartier d’Hochelaga Maisonneuve, un quartier où l’indice de la canopée est le plus faible à Montréal, a été choisi pour un projet pilote…
On peut continuer la démonstration par des exemples d’engagement coopératif tirés de l’actualité ailleurs que dans le secteur de l’habitation :
De grandes entreprises publiques et coopératives du Québec investissent dans les énergies renouvelables
Le Mouvement Desjardins est au Québec la première institution financière à avoir plongé dans des investissements liés à leur politique de développement durable. En 2017 Desjardins va plus loin : son appui se situe maintenant à la hauteur d’un milliard de dollars. Puis, voilà qu’Hydro-Québec s’en mêle en se préparant dit son PDG à la révolution de l’énergie solaire. Deux grandes institutions, une coopérative et une publique, qui ont été des acteurs majeurs de la Révolution tranquille (1960-1990), de notre modèle de développement économique et social, sont peut-être en train de devenir des artisans majeurs de celle qui s’en vient, la {{Révolution tranquille des énergies renouvelables}}. Sortir du pétrole est un impératif moral, social, économique et environnemental de premier plan au Québec, au Canada et dans le monde. Oublions pour le moment la Caisse de dépôt qui ne joue pas de cette partition.
La transition écologique de l’économie : l’exemple probant des coopératives forestières
Il y a quelques années, j’étais conférencier à l’ouverture du congrès de la Fédération québécoise des coopératives forestières, J’avais au préalable visité une coopérative forestière de pointe au Saguenay, écouter leurs délibérations, participé à une formation sur l’avenir du bois et lu un tas de trucs sur le virage écologique qu’elles ont pris. 40 coopératives, plus de 3 000 travailleurs. Malgré que ce bref récit soit daté, il vous étonnera parce qu’il illustre des possibles qu’on ne soupçonnait pas il y a 10 ans à peine. Terminé le cliché du bûcheron d’une scierie sous-traitante de la CIP. Les travailleurs forestiers sont de plus en plus des planteurs d’arbres.
Desjardins et le développement régional : que fait cette institution financière avec ces excédents ?
Au moment même où le gouvernement libéral délaisse complètement les régions et les dispositifs mis en place depuis quelques décennies (CDÉC et CLD, Conférences régionales des élus, CJE,…), le mouvement Desjardins envoie un autre message : il crée un fonds de $100 millions pour les régions, un fonds pour soutenir des coopératives, des incubateurs d’entreprises, des initiatives économiques «qui se démarquent par leur portée sociale».
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/483681/desjardins-nouveau-fonds-100-millions-pour-stimuler-les-regions
Une coopérative agricole du Saguenay : 1200 agriculteurs et 400 employés engagés dans le développement durable
Une vieille coopérative agricole, Nutrinor, travaillant de concert avec quelques coopératives forestières, s’est engagée dans un développement durable. Ce fut la bonne surprise de ma visite au Saguenay en 2011. Nutrinor fêtait ses 60 ans. Nutrinor en chiffres de cette année-là, c’est 1200 membres, des agriculteurs et près de 400 employés avec un chiffre d’affaires de 312 $ millions. Ces revenus sont tirés de l’agroalimentaire ; de l’énergie, des matériaux et des fournitures. Son actif : 82 $ millions. Sa production : 23 millions de litres de lait transformés annuellement, 12 millions d’oeufs, 55 000 tonnes de grains, 97,5 millions de litres d’essence (26 stations d’essence Sonic) vendus. Nutrinor est la troisième en importance au Québec et la douzième au Canada.Cela étant dit, Nutrinor met 6 millions $ par année en recherche et développement. Le président d’alors, Yvan Morin, m’affirmait lors de la visite : «Le développement durable, c’est complètement intégré à notre façon de faire aujourd’hui». Et d’ajouter : « Les projets que nous mettons de l’avant visent à relancer l’agriculture régionale. De plus les activités d’Alcan et d’Abitibi Consol sont en décroissance. L’agriculture peut prendre la relève ». De son côté Frédéric Lebrun, coordonnateur du département Innovation, développement durable, bioénergies gère une entreprise de récupération qui expédie quelque 750 000 litres d’huiles alimentaires usées transformées en biogaz. Et maintenant Nutrinor achemine une grande partie de ses produits par train plutôt que par camion. La coopérative a aussi été l’instigatrice de Val Éo une coopérative de production d’énergie d’un parc éolien.
Les écolos sont-ils dans le coup avec les organisations communautaires sur la question sociale?
Chantal Lever du RQGE répond à la question dans les termes suivants :
À partir des années ’90, avec ce vent du néolibéralisme vécu à l’échelle planétaire et plus encore ces 10 dernières années avec les politiques d’austérité, le mouvement communautaire du Québec en a fortement payé le prix. Et parmi tous les groupes qui ont été victimes des coupures de la politique de l’austérité, les groupes écologistes ont tristement gagné la palme d’or en matière de coupure depuis l’abolition totale du financement à la mission pour les groupes nationaux, mise à mort amorcée par l’abolition du financement à la mission des groupes régionaux et locaux depuis le début des années 2000.
En dépit de ce sévère diagnostic, la dirigeante du Regroupement avance la position suivante :
Au cours de ces années difficiles pour les écologistes, plusieurs groupes communautaires se sont montrés de plus en plus solidaires avec le mouvement écologiste…Cette nouvelle proximité a fait naître une certaine conscience environnementale au sein de ces groupes, tout comme les luttes sociales sont devenues de plus en plus importantes au sein des groupes écologistes…. D’autant plus que des actions collectives pour faire face à la crise écologique, naissent jour après jour sans grands moyens mais avec beaucoup de volonté : agriculture urbaine, ruelles vertes, achats de denrées biologiques locales, etc.
Mais ajoute-elle :
Toutefois, le milieu communautaire ne pourra à lui seul assurer une transition écologique, non seulement parce que les groupes manquent de ressources, mais parce qu’ils n’agissent que très peu dans le secteur de la consommation ou dans le monde du travail : les entreprises coopératives et d’économie sociale de même que les syndicats devraient donc eux aussi s’allier à cette mouvance. Comme le cite en plusieurs endroits Louis Favreau dans son livre, si ces secteurs n’étaient pas des plus actifs en matière environnementale il n’y a pas si longtemps, voilà qu’au cours des 5 dernières années ils ont mis l’épaule à la roue et c’est tant mieux!
Qu’en est-il justement du côté des syndicats de travailleurs et du syndicalisme agricole ?
Le chaînon manquant de la transition écologique de l’économie: les transitions professionnelle
La transition écologique de l’économie implique la perte d’emplois dans certains secteurs (raffineries de pétrole par exemple) mais la création d’emplois dans d’autres (énergies renouvelables assurément). Le hic que signale bien la direction de la CSN ci-dessus, c’est que les pouvoirs publics n’abordent aucunement cette question dans leurs délibérations et leurs politiques. L’emploi des uns et des autres est un point aveugle. La mobilisation sur l’urgence écologique n’élargira pas sa base sans prendre en compte cette donnée stratégique pour la convergence des mouvements sociaux. Deux articles à ce sujet.
http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/468587/csn-en-quete-d-une-transition-energetique-juste-pour-les-travailleurs
https://www.csn.qc.ca/actualites/a-la-recherche-dune-transition-juste/
Syndicalisme et développement durable : la FTQ plus résolue que jamais à changer les choses
«Le dossier des changements climatiques est celui qui va le plus occuper le mouvement syndical dans les vingt prochaines années». C’est le président de la FTQ Daniel Boyer qui le dit dans un article d’un cahier spécial du Devoir sur le virage qu’est en train de prendre le syndicalisme à la FTQ, celui de prôner avec force une économie plus égalitaire et plus verte.
L’investissement socialement responsable (ISR) : les fonds de travailleurs sont de la partie
Le fonds de la CSN, Fondaction, le Fonds de solidarité de la FTQ, Bâtirente et Desjardins…sont des institutions préoccupées, à des degrés divers, de contrer l’évitement fiscal et d’aller vers une économie plus sobre au plan énergétique. Çà s’appelle le réseau québécois des PRI (http://www.pri-quebec.org). Une petite originalité québécoise en Amérique du Nord qui fait partie du renouvellement de notre modèle de développement. Cela dit il y a des institutions engagées dans l’ISR qui sont plus conséquentes que d’autres. L’ISR risque en effet d’être aseptisé par certains gestionnaires de fonds dont la Caisse de dépôt qui est un peu dans le renouvelable mais dans le charbon et le pétrole jusqu’au cou. L’ISR peut être un levier de changement social quand il y a des politiques actionnariales proactives ou être un simple marketing social. Exemple à suivre encore une fois : les pays scandinaves.
Syndicalisme agricole et DD : l’UPA elle aussi fait sa transition écologique
Plantation d’arbres sur les terres et sur les bandes riveraines de la grande région de Montréal, effort pour utiliser moins d’intrants (engrais chimiques et pesticides), mise en place d’une table de développement de la production biologique…Voilà l’orientation prise par l’UPA depuis quelques années. La transition agro-écologique de l’économie après plus de 50 ans d’agriculture industriellement intensive sera difficile. L’air du temps va cependant bel et bien dans cette direction…
Y a-t-il d’autres acteurs dans le coup ? Des municipalités et des collectifs de chercheurs sont de la partie
D’autres acteurs dans le coup, il semble bien que oui ! Quelques exemples tirés l’actualité :
Municipalités et transition sociale-écologique
Les matières organiques en Montérégie sont transformées en énergie renouvelable, un biogaz
La nouvelle politique québécoise de gestion des matières résiduelles exige que d’ici 2020 la totalité des déchets organiques ne soient plus dans les sites d’enfouissement. Quoi faire alors ? En Montérégie une chose est désormais acquise : dans sa partie est, 27 municipalités sur ce territoire regroupant plus de 235 000 citoyens seront bientôt dans l’univers de la biométhanisation. 2016 a été l’année de construction d’un centre de traitement intégré des matières organiques par biométhanisation et compostage. 2017 sera l’année des bacs bruns. Une alternative écologique pour la gestion des déchets au bénéfice d’une énergie verte (le biogaz) et de la production d’un fertilisant organique pour les terres agricoles qui pourrait mettre fin aux engrais chimiques sur ces terres. On croit rêver.http://www.saint-mathieu-de-beloeil.com/sites/24503/Chronique%20parlons%20biomethanisation3.pdf
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/651972/biomethanisation-beauharnois-varennes
232 municipalités aux prises avec la menace des pipelines sur leur eau potable
Même s’il en a le pouvoir, le ministre de l’Environnement refuse d’accorder à 230 municipalités le droit d’adopter des règles plus strictes que celles mises en place par le gouvernement Couillard pour protéger les sources d’eau potable lors des forages pétroliers et gaziers, a appris Le Devoir. Québec prévoit une distance minimale de 500 mètres entre une source d’eau et un forage, elles souhaitent porter cette distance à un minimum de deux kilomètres.
Des chercheurs à la rescousse
10 pistes pour se sortir des énergies fossiles : des scientifiques québécois et canadiens s’en mêlent
En 2015, un groupe de 60 scientifiques canadiens produisait un rapport intitulé «Agir sur les changements climatiques». Des solutions d’universitaires canadiens et canadiennes qui présentent dix orientations stratégiques pour sortir de l’impasse. Les premières mesures préconisées dans ce rapport, facilement applicables dès maintenant, sont d’arrêter de subventionner les énergies fossiles, de taxer suffisamment le carbone et d’utiliser l’entièreté du produit de cette taxe à l’établissement des infrastructures nécessaires pour nous débarrasser de notre dépendance au pétrole et autres hydrocarbures. Selon ces chercheurs, le Canada pourrait être alimenté à 100 % en énergies renouvelables d’ici dix ans, donc avant 2030.
http://www.psychomedia.qc.ca/societe/2015-03-19/climat-propositions-dialogues-pour-un-canada-vert
Un laboratoire marocain vient au secours de la santé humaine et animale en faisant une utilisation médicinale de plantes
Une petite révolution est en cours au Maroc. Des antibiotiques dopés aux huiles essentielles : après 30 ans de recherche, le Marocain Adnane Remmal, espère contribuer à la lutte contre le fléau mondial des germes résistants. Or pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la résistance aux antibiotiques constitue une « des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale ». Grâce également aux travaux effectués dans ce laboratoire, Adnane Remmal a par ailleurs remporté en 2015 un prix de la Fondation africaine pour l’innovation, après avoir mis au point des suppléments alimentaires pour bétail à base d’huiles essentielles. Objectif : réduire le recours aux antibiotiques dans l’élevage intensif. « Nous voulons remplacer les antibiotiques par des produits efficaces à base de substances naturelles, à moindre coût et qui ne présentent aucune toxicité pour le consommateur final ». Le produit est déjà sur le marché local depuis deux ans et donne d’excellents résultats. Également à l’ordre du jour du laboratoire, des brevets sont en attente de publication pour d’autres produits à destination agricole : biopesticides, antifongiques et antiparasitaires.
http://www.ledevoir.com/societe/sante/503607/au-maroc-des-antibiotiques-dopes-aux-huiles-essentielles
Le GIEC à Montréal : l’expertise internationale en matière de climat n’a jamais été aussi importante
…Les gouvernements ont besoin plus que jamais de données scientifiques rigoureuses avant de prendre des décisions, ont fait valoir les experts, hier, à l’ouverture de la 46e session du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). « La coopération internationale n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui, alors que les températures extrêmes et les désastres climatiques…». Et le vice-président, M.Sokona, originaire du Mali, d’ajouter : «Parmi les impacts potentiels des changements climatiques, mentionnons une plus grande instabilité, des pénuries de nourriture et d’eau, des inondations dans les régions côtières, l’aggravation de la pauvreté dans les pays les moins développés, des conflits pour s’approprier des terres, et plus de migrations et de déplacements de populations.
http://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/changements-climatiques/201709/06/01-5130981-quand-les-experts-en-changements-climatiques-songent-au-sociofinancement.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=envoyer_cbp
Un modèle social à réinventer : la transition sociale-écologique est en soi un projet politique
Si les gouvernements des dernières années n’ont cessé de démanteler à coups de coupures notre État social puisqu’ils n’y croient pas ou plus, il serait peut-être judicieux de s’allier solidairement et revendiquer sinon proposer, comme le décrit Louis Favreau dans son ouvrage, la réforme radicale de l’écologie politique.
Chantal Lever du Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
Il ne faut pas sous-estimer l’importance déterminante de cette transition écologique. C’est un projet politique en soi. Nous n’en sommes pas encore là mais des mouvements et des partis politiques pourraient devenir les opérateurs de la mise en oeuvre des conditions de cette transition sociale-écologique au Québec: un projet capable de donner du sens à nos vies ; des communautés capables de faire face aux menaces qui s’annoncent ; un projet créateur d’emplois, de qualité par surcroît ; un projet qui favorise un aménagement du territoire orienté vers une organisation à taille humaine des villes et villages favorisant le vivre ensemble ; un projet qui met en route une économie de circuits courts ; un projet qui favorise des transports collectifs fondés principalement sur des énergies renouvelables ; un projet d’agriculture durable, écologiquement intensive. On pourrait même dire un projet pouvant devenir le principal moteur d’une nouvelle Révolution tranquille [1].
Au préalable ou simultanément, il faudra avoir gagné la bataille de laisser le plus gros de nos énergies fossiles dans le sol. En avons-nous besoin ? Le Québec a la chance et les moyens de ne pas avoir à les exploiter parce qu’il dispose déjà d’une production en renouvelables de près du 50%. Le Danemark illustre bien à cet égard ce qui est possible : leur sortie du pétrole est inspirante car ce qui paraissait être une utopie il n’y a pas si longtemps s’est transformé en programme avec un plan de match : a) fermeture des dernières centrales à énergie fossile ; b) capacités éoliennes doublées ; c) mesures de passage du transport routier de marchandises vers le transport par train ou bateau à la hauteur de 50% ; d) réduction de 50% de la demande électrique dans l’habitat, etc.. Pour en arriver à être à 100% dans le renouvelable à l’horizon 2050. Tous les acteurs engagés dans les énergies ont été mis à contribution, y compris les ingénieurs dont l’association a tenu 40 séminaires pour bâtir un modèle précis d’étapes à franchir pour y arriver. Le tout réalisé grâce à une série de plans successifs qui ont pris forme dès 1973, année du premier choc pétrolier. Quand la volonté politique s’y met !
Penser la transition écologique : le débat du dernier congrès du NPD nous y conduit et les élections de 2018 au Québec aussi
Le NPD national à son dernier congrès a été coincé entre le «Tout» s’il épousait le manifeste «Un bond vers l’avant» et le «Rien» s’il demeurait enferrer dans les projets de pipelines manière «NPD Alberta». Finalement l’entrée du manifeste «Un bond vers l’avant» au NPD est une excellente chose. Car la gauche, en général, n’a pas fourni grand-chose de neuf sur un horizon de société qui prend au sérieux l’urgence écologique. Le NPD au Canada est sans doute le parti le mieux placé pour faire ce débat. Reste que si la gauche du NPD avance dans la bonne direction, elle n’a pas encore beaucoup réfléchi sur la transition vers une économie verte : en agriculture, en gestion des forêts, en transport collectif, en énergies renouvelables et, au congrès où des représentants de syndicats étaient bien présents, en matière de requalification de la main d’oeuvre directement concernée. La question des transitions professionnelles liées au «Grand bond en avant» étaient absentes. Or tant qu’on ne verra pas une plate-forme de propositions sur ces questions qui soit susceptible de créer une convergence des forces vives (communautaire, écolos, groupes de femmes, coopératives, syndicats et autres organisations de la société civile), on n’arrivera pas à faire le grand bond. Bref en même temps qu’un manifeste inspirant, il faut penser politiquement la transition. Mario Hébert, économiste à Fondaction, et moi-même étions allés d’un petit ouvrage précurseur sur la question il y a quelques années (Favreau et Hébert 2012). Les partis politiques québécois progressistes réunis en congrès avant la prochaine élection se penchera-t-il là-dessus ?http://www.puq.ca/catalogue/livres/transition-ecologique-economie-2414.html
Réflexion stratégique et priorités
Partant de là, la réflexion stratégique pour une politique de transition sociale-écologique est à l’ordre du jour. Tout comme on l’a vu précédemment plusieurs mouvements ont depuis peu une politique de développement durable, notamment les syndicats et les coopératives. Francine Néméh de la FECHIMM dans son commentaire du 31 mai abondait dans ce sens :
Concernant sa contribution à une éventuelle transition écologique, le mouvement des coopératives d’habitation a un grand chantier à peine ébauché qui l’attend. Le mouvement est toutefois conscient de l’importance de cet enjeu. La FECHIMM s’est dotée en 2009 d’une politique pour le développement durable, affirmant son engagement pour un monde plus vert et plus équitable.
Mais du côté du mouvement communautaire, s’il existe de plus en plus de pratiques émergentes inscrites dans la transition sociale-écologique, il n’y a pas de politique définie qui permettrait de fournir un horizon et des priorités. Et donc peu de points d’ancrage pour des discussions avec les autres mouvements. Un texte provoquant d’un «organisateur communautaire» du Pays Basque espagnol fournit du grain à moudre sur le type de politique de développement durable à mettre de l’avant au sein du mouvement communautaire :
La bataille du climat se joue maintenant, si on la perd, on perd toutes les autres». Txetx Etcheverry
Un entretien du quotidien français de l’écologie (animé par Herve Kempf), Reporterre, avec Txetx Etcheverry, un militant du Pays Basque, animateur d’une association écologiste, Bizi, fondée en 2007. Son parcours date des années 1970. Il milite d’abord pour l’indépendance du Pays Basque, devient syndicaliste et découvre en cours de route l’écologie. L’entretien développe trois idées-maîtresses : 1) la bataille du climat est la plus déterminante de toutes ; 2) l’organisation et la mobilisation à la manière de l’organisateur communautaire américain Saul Alinski – ce qui surprend à première vue – ; 3) une discussion sur la non-violence (inspiration Gandhi) et sur l’utilisation de la violence (considérée comme contre-productive). Avec un exemple modèle, le mouvement des indignés d’Espagne (non-violent à 100%) qui ont mis au monde le mouvement politique Podemos.
Ce texte provoquant de Txetx Etcheverry illustre bien l’importance de la réflexion stratégique et, en priorité, celle de se donner une politique de transition sociale-écologique si nous voulons faire ce que toute organisation doit faire à savoir arbitrer entre le temps court et le temps long de son action et choisir ces batailles parce qu’il y a des batailles qui ont plus de portée que d’autres. Le mouvement coopératif a une politique de développement durable, le mouvement syndical aussi. Elles sont discutables mais elles servent de repère. Le mouvement communautaire, non! Le sentiment présent, de plus en plus général, est peut-être finalement «qu’il est temps de se questionner à nouveau sur nos pratiques de solidarité pour continuer à garder nos couleurs tout en évoluant collectivement avec d’autres acteurs et porter une vision de changement social qui intègre des enjeux qu’on perd parfois dans le rétroviseur (à cause du quotidien pas mal chargé de nos organisations…) dont les enjeux de l’urgence écologique» nous disait un intervenant de l’Estrie récemment.
Conclusion pratique : quelles suites ?
À partir de cet ouvrage et des échanges auxquelles il donne lieu dans différentes régions, quelles activités de formation nouvelles permettraient d’avancer en la matière? Le CSP et le CFP comptent aller de l’avant en la matière. Ailleurs en région aussi. Du côté de la CRDC que je dirige nous sommes disponibles pour participer à des formations dans cette foulée. Nous pensons notamment aux sujets suivants qui ont été peu ou pas abordés faute de temps mais évoqués à la rencontre du 31 mai :
1) L’autonomie économique des organisations communautaires et écologistes: comment sortir du mono-financement?
2) La solidarité internationale du mouvement communautaire d¹ici avec celui de communautés au Sud. Où en sommes-nous ?
3) L’État social: un modèle à réinventer. Sur quelles bases et à partir de quelles expériences (pays scandinaves)? Quelles politiques publiques sont favorables et quelles autres sont défavorables que niveau municipal comme au niveau du Québec ?
4) Le mouvement coopératif et la transition sociale-écologique : comment les choses ont-elles bougé dans la dernière décennie ?
5) Le mouvement syndical et la transition sociale-écologique : comment les choses ont-elles bougé dans la dernière décennie ?
6) Les élections au Québec en 2018: comment faire avancer le débat sur la transition sociale-écologique dans le cadre d’un moment privilégié comme une campagne électorale ?
Pour en savoir plus
- Favreau, L. (2017), Mouvement communautaire et État social, le défi de la transition sociale-écologique, PUQ, Québec. https://www.puq.ca/catalogue/livres/mouvement-communautaire-etat-social-3236.html
- Favreau, L. (2012), La transition écologique de l’économie, la contribution des coopératives et de l’économie solidaire, PUQ, Québec. https://www.puq.ca/catalogue/livres/transition-ecologique-economie-2414.html
- Klein, Naomi (2015), Capitalisme et changement climatique : tout peut changer, Lux éditeur, Montréal. http://www.luxediteur.com/catalogue/tout-peut-changer/
[1] Pour une introduction vidéo de 25 minutes sur la notion de transition écologique par une demi-douzaine d’experts : http://canalsavoir.tv/videos_sur_demande/grand_bouleversement/transition_ecologique
Louis Favreau
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