Par Louis Favreau
Préface de Gérald Larose (Caisse d’économie solidaire)
Postface d’André Beaudoin (FISIQ)
En misant dès sa naissance il y a près de 12 ans sur la transition écologique, l’économie autrement et la finance solidaire dans sa coopération avec des communautés du Sud, le Fonds Solidarité Sud est perçu comme un vilain petit canard. Il se distingue en effet de la pensée principale et de l’approche de la plupart des organismes de coopération internationale (OCI) du Québec où on pense surtout au développement social (services d’éducation et santé, défense de droits humains, plaidoyer et résistance) mais très peu au développement d’assises économiques. Ce faisant, il jette gentiment un pavé dans la mare.
Cet ouvrage fait le tour du jardin du Fonds Solidarité Sud : son histoire, son parcours, ses partenaires d’ici et du Sud, les recherches sur lesquelles il fonde son travail, ses propositions et sa perspective pour la décennie qui vient. Cet ouvrage intéressera tout autant les membres et sympathisants du FSS que d’autres OCI à la recherche de nouvelles avenues pour répondre aux défis de la décennie qui vient. Car nous ne vivons plus dans un système climatique stable, la biodiversité est en péril et les océans sont victimes d’une pollution démentielle. Nos institutions locales, régionales, nationales et internationales perdent peu à peu le contrôle de la situation. Certains prétendent que la catastrophe est inévitable, autrement dit, qu’il n’y aurait pas d’alternatives à l’horizon. Or il y a des alternatives, ce que nous prenons le temps de démontrer.
Nous sommes à une époque où s’impose plus que jamais la nécessité de répondre à un immense besoin d’actualiser le potentiel de développement économique et social des communautés du Sud, en d’autres termes de nourrir les possibles. C’est ce que nous faisons depuis plus d’une décennie en collaboration avec d’autres organisations d’ici et nos partenaires du Sud. Nous ne sommes heureusement pas les seuls à le faire. Cependant, il valait la peine de camper la manière de faire du Fonds Solidarité Sud dans l’univers de la solidarité internationale, celui surtout des besoins économiques (accès à la terre, accès au crédit, accès à l’emploi, accès à électricité) adossés à des dialogues interculturels, à de nouvelles stratégies à mettre en œuvre dans un monde rempli d’incertitudes sur l’avenir des démocraties (la montée des régimes autoritaires), l’avenir de la planète (l’urgence écologique), notamment l’importance accrue de la transition énergétique, c’est-à-dire de faire monter en puissance les énergies renouvelables et l’agroécologie, afin de mieux nourrir le monde dans le cadre d’une nécessaire transformation radicale des cycles alimentaires. Le GIEC dans son dernier rapport est très clair à ce propos :
La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas…La vie sur Terre aura irrémédiablement changé lorsque les humains nés en 2021 auront atteint 30 ans. Cap sur 2050 pour un changement de planète…Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction des espèces : voilà quelques-unes des déclinaisons contenues dans le rapport…
Les années 2020 et 2021 : la crise sanitaire sur fond d’urgence climatique
Avec la COVID-19, l’urgence écologique est venue toucher toute la planète par là où nous ne l’attendions pas, par une pandémie qui a donné lieu à la plus grave crise sanitaire mondiale. Du jamais-vu depuis un siècle…Aujourd’hui, et depuis un bon moment d’ailleurs, on ne peut séparer le social de l’économique. Nous avons donc dès nos débuts en 2010 introduit la transition écologique, le développement économique local et la finance solidaire dans le soutien à des communautés du Sud. C’est d’ailleurs une perspective très bien explicitée par Naomi Klein : la résistance sans développement d’alternatives économiques ne tient plus la route (Klein, 2015, p.454-458).
Il est donc très important de participer au changement avec l’ambition de rendre intelligible la marche du monde par une attention aux faits, une réflexion lucide et un esprit critique peu présents à nos yeux par les temps qui courent. C’est par la voie des sciences économiques et sociales que nous le faisons et par celle de l’expérience du changement social accumulée au cours des engagements antérieurs des membres de notre réseau (syndicalisme, organisation communautaire, écologie sociale, solidarité Nord-Sud). Sans oublier de capitaliser sur une première décennie comme organisation de solidarité internationale menée en partenariats étroits avec SOCODEVI et l’UPA DI. Et, à coup sûr, avec nos partenaires du Sud : des organisations paysannes, des collectifs de femmes et de jeunes, des coopératives et des réseaux d’économie solidaire.
Cet ouvrage veut y contribuer dans la foulée de celui qui l’a précédé il y a deux ans (Favreau et Fréchette, 2019). Toutes les pratiques, souvent nommées « bonnes pratiques », bien qu’elles soient bonnes, ne se valent pas toutes. D’abord, il n’y a pas de « bonnes pratiques » sans fond d’analyse ni vision d’avenir. Il n’y a pas non plus de fond d’analyse sans étude du rapport de forces en présence. Et pas de vision d’avenir sans prendre en compte la place des mouvements sociaux porteurs dans nos pratiques. Les « bonnes pratiques » ne se valent pas toutes, certaines ont plus de portée que d’autres, notamment celles qui croisent l’écologie, l’économie, les finalités sociales et la finance solidaire. C’est ce qui nous faisait dire au moment de l’élaboration de notre plan de développement 2020-2025 :
Nous ne pensons pas seulement notre développement un projet à la fois et une année à la fois. Nous avons à le situer dans un ensemble plus large et sur un horizon d’au moins cinq ans ou même une décennie : que deviendra le Fonds Solidarité Sud dans le monde qui vient et dans le Québec de la solidarité internationale de proximité à venir ? Qu’avons-nous à apporter de neuf et d’essentiel ? Quelles seront nos priorités et quel impact ces priorités auront-elles dans leur mise en œuvre ? Comment allons-nous nous préparer à faire face à cette nouvelle décennie qui sera bien loin d’être un fleuve tranquille ? Ce sont parmi d’autres des questions que posaient notre panel à la fin de notre rencontre anniversaire d’octobre 2019 et celle qui a suivi.
Louis Favreau
Ouvrage coédité par le Fonds Solidarité Sud et la Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC- UQO)
Table des matières
Le Fonds Solidarité Sud : histoire, parcours et perspective
Préface de Gérald Larose
Avant-propos
Chapitres
- Solidarité internationale : architectes du développement ou pompiers de service ?
- La décennie qui vient : dans quel monde vivrons-nous ?
- Le Fonds Solidarité Sud : le parcours d’une organisation québécoise de solidarité internationale
- Le Fonds Solidarité Sud: une fondation d’économie sociale et solidaire
- Le Fonds Solidarité Sud: notre première décennie
- Le Fonds Solidarité Sud: les initiatives de la prochaine décennie
- Pourquoi le Fonds s’engage dans l’agroécologie
- Pourquoi le Fonds s’engage dans l’accès à l’énergie
- Pourquoi le Fonds s’engage dans l’accès au crédit
- Appel aux OCI à s’engager dans le soutien aux assises économiques des communautés
Conclusion : « Non le mouvement pour l’égalité n’est pas près de s’arrêter! »
Postface d’André Beaudoin
* Lettre ouverte à celles et ceux qui veulent rendre leur argent intelligent et socialement utile
L’auteur
Docteur en sociologie, spécialiste du développement des communautés et des économies de proximité, Louis Favreau est professeur émérite de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), titulaire d’une chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC) et auteur de plusieurs ouvrages sur la transition écologique de l’économie, les mouvements sociaux et la solidarité internationale.
Avant d’être professeur, il a travaillé pendant 20 ans comme intervenant communautaire à Montréal et a cofondé le Centre de formation populaire. Il est cofondateur et président du Fonds Solidarité Sud depuis 10 ans.