Le Fonds Solidarité Sud et la coopération internationale solidaire en contexte de guerre
L’activité d’aujourd’hui a été conçue il y a quelques mois dans le contexte porteur d’une coopération internationale solidaire misant sur le développement. Elle se tient aujourd’hui dans le contexte de la résurgence de l’urgence et de l’humanitaire engendrée par la guerre que conduit la Russie en Ukraine. Une vague impression de nous faire tirer le tapis sous les pieds nous habite. Comment maintenir le cap?
Le contexte a radicalement changé
Jusqu’à février dernier, les rapports mondiaux, toujours sous tensions, globalement étaient en équilibre. Existaient encore des conflits armés dans certaines régions du monde au motif principal d’éradiquer le terrorisme. Depuis a resurgi la confrontation de nations, avec des destructions massives, des déplacements importants de populations et des pertes majeures de vies humaines. Sont réactivées les menaces nucléaires. Et pour maintenir l’appui populaire aux objectifs de l’opération militaire est tombé un nouveau rideau de fer : verrouillage de l’information, négation des faits et du réel et constitution de narratifs parallèles.
Des conséquences dramatiques
Les conséquences sont dramatiques. D’abord pour le quotidien, y compris alimentaire, des populations de 50 pays. Gonflant la masse des 690 millions déjà sous-alimentés dans le monde. Ce qui provoque un immense détournement :a) d’attention de la planète de ses propres enjeux; b) du temps long de la co-construction pour le temps court de l’urgence et de l’humanitaire et c) des fonds de développement réquisitionnés pour la défense. Sans compter que dans le rapport international des forces, à nouveau, les pays seront appelés à se positionner et à se constituer en blocs, complexifiant encore plus le rôle des grandes organisations internationales.
Le FSS dans ce contexte : ni dans l’urgence, ni dans l’humanitaire
Le nouveau contexte est la contradiction parfaite de l’orientation du Fonds Solidarité Sud. En toute transparence le FSS ne donne ni dans l’urgence ni dans l’humanitaire. Loin de lui l’idée de participer à la course des mâts aux sommets desquels hisser son drapeau. Il est du camp du développement et des partenariats avec des segments de population qui se regroupent, s’organisent et décident de s’outiller de façon pérenne. Le FSS fait de la coopération internationale en faisant de l’économie sociale et solidaire.
En réalité le développement n’est pas que savoir technique ou qu’ajout de quelques capitaux ou de quelques marchés supplémentaires. Le développement est bel et bien la mobilisation générale d’une communauté qui se prend en main dans de multiples équipes animées par des leaders qui en ont une approche pluridimensionnelle: économique, sociale, culturelle, environnementale, etc.
Et le partenariat qui l’accompagne est égalitaire sans dépendance du Sud ni imposition par le Nord. Le Sud étant maître d’œuvre et l’interaction dialogique continue, le Nord participe à la co-construction d’une vision holistique du projet en matière de valeurs à promouvoir et à vivre, de responsabilités et de stratégies à départager, de représentation et de plaidoyer à assumer, et de récepteurs à identifier pour la reddition de compte démocratique et transparente.
Ce Nord et ce Sud partagent la même notion du temps : le temps long des apprentissages, de la mobilisation, des infrastructures, de l’institutionnalisation et des politiques publiques. “Décoloniser” dit-on maintenant? Nous en convenons. Le Fonds Solidarité Sud fait le pari d’une coopération internationale décolonisée dans laquelle une partie du pouvoir d’influence de l’argent d’une frange militante du Québec peut servir l’autonomisation pérenne de communautés du Sud dans la poursuite et la réalisation de leur propre projet de société.
Le nouveau contexte est une tempête parfaite qui alourdit le climat général de la coopération internationale. Mais cela n’invalide en rien les multiples projets d’autonomisation du développement conduits par autant de communautés qui ont la conviction intime que leur avenir est d’abord entre leurs mains. Le FSS doit maintenir le cap.
Gérald Larose
25 mai 2022