Par Louis Favreau, sociologue et président du Fonds Solidarité Sud
Après l’invasion de l’Ukraine, le visage du monde ne sera plus le même
Commençons par le commencement pourrait-on dire ! Avec cette guerre qui a frappé brutalement l’Ukraine, le visage du monde ne sera plus le même. Pour un, les conséquences économiques se font déjà sentir.
Et de deux, elles se mêlent avec celles laissées par la pandémie. D’où l’émergence déjà d’une contrainte nouvelle ici même liée à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat qu’elle induit.
Plus que cela, une pression sur notre modèle énergétique dans un sens ou dans l’autre, une pression également sur le financement de notre modèle social, et de plus un déploiement d’interdépendances stratégiques nouvelles comme par exemple, au sein de l’OTAN, la nécessité pour chacun de ses membres dont le Canada d’investir 2% de leur budget annuel dans des dépenses militaires parce que la sécurité mondiale est bouleversée au cœur même de l’Europe.
Le tout aura donc des incidences qui risquent d’être assez salées sur notre solidarité avec le Sud, notamment une possible baisse anticipée du financement public, un soutien à un nombre plus restreint de pays, etc…
Nous ferons un tour de jardin de deux questions :
- l’avenir des démocraties en Europe face à l’invasion russe ;
- les répercussions de cette guerre en Afrique.
Essai de lecture de long terme sur un événement d’actualité qui marquera l’histoire de nos démocraties et de nos coopérations internationales Nord-Sud.
Nous le ferons à l’aide d’une revue de la presse québécoise et de la presse internationale des 50 premiers jours de cette guerre soit du 24 février au 15 avril 2022.
1. L’invasion de l’Ukraine : menace sur les démocraties
En fait l’invasion de l’Ukraine vient nous chercher pour deux raisons :
- Le « Monde d’après » qu’on attendait après avoir vécu deux ans de crise sanitaire risque de nous faire atterrir dans le « Monde d’avant-hier », celui de la Deuxième Guerre mondiale et d’une nouvelle guerre froide avec la Russie. Pour la première fois depuis la chute du Mur de Berlin (1989), le spectre d’une nouvelle guerre froide hante la planète et menace nos démocraties ;
- La guerre offensive déclenchée par la Russie a et aura en outre des répercussions de tout ordre dans nombre de pays du Sud, l’Afrique en particulier, notamment sous l’angle de sa sécurité alimentaire et de sa sécurité énergétique.
Incidence marquée pour bon nombre d’OCI du Québec fortement présente dans l’Afrique de la francophonie : Bénin, Burkina Faso, Mali, Sénégal…
Dans la résistance ukrainienne, il y va de l’avenir de ce pays comme démocratie, de l’avenir de pays proches qui ont des aspirations dans ce sens et, plus largement encore, de l’avenir de nos démocraties non seulement en Europe mais sur tous les continents.
Car nous faisons face à une bascule du monde:
- une nouvelle ère géopolitique;
- un risque d’escalade avec les moyens militaires du nucléaire;
- les peuples de l’Europe de l’Est, résistance populaire ukrainienne en tête avec l’accueil et l’appui de la Pologne) affirment leur volonté d’indépendance face à la volonté de puissance de la Russie portée par une logique d’empire.
Ouf! La prochaine décennie sera bien différente de celle qu’on espérait avec la fin de la pandémie. On peut toujours pester contre nos démocraties en leur trouvant tous les défauts du monde.
Mais accordons-nous avec Winston Churchill qui disait à juste titre que « la démocratie est certes un mauvais système, mais qu’elle est le moins mauvais de tous les systèmes ».
Cela dit, aux Ukrainiens qui aujourd’hui résistent à une armée russe quatre fois supérieure en nombre (quelque 800 000 permanents au total, contre 200 000), peut-être dix fois supérieure en moyens, qui a décidé de les écraser… peut-on et pouvait-on en toute conscience répondre : « Désolé, je suis contre la guerre, on ne peut pas vous donner d’armes… » ?
Ou encore : « Vous feriez mieux de vous rendre, pour éviter de faire davantage couler le sang. Peut-on dire ça ? » dixit François Brousseau, chroniqueur international du Devoir[1].
En d’autres termes, entre les vœux pieux du Non à la Guerre! des pacifistes qui mettent toutes les guerres sur le même pied et les Va-t’en guerre de tout poil, il y a un champ de manœuvre des possibles.
En Ukraine on veut la paix (le retrait des troupes russes, l’arrêt des bombardements…). Mais les Ukrainiens savent qu’il faut continuer aussi à se battre avec des armes s’ils veulent maintenir leur indépendance et se garantir une place dans le concert des démocraties.
[1] Brousseau, F. : Notre liberté et la vôtre
À propos du pacifisme
Une importante distinction philosophique concerne un pacifisme absolu et un pacifisme contingent, lequel se rapproche de la théorie de la guerre juste, qui l’est à certaines conditions expresses (par exemple : juste cause, visant la paix, de dernier recours, faisant plus de bien que de mal, etc.).
Et Normand Baillargeon de prendre l’exemple de Bertrand Russell, pacifiste emprisonné durant la Première Guerre mondiale, mais qui jugera qu’il faut combattre Hitler lors de la Seconde.
Normand Baillargeon, Un curriculum pour la paix.
Bref Cette fois c’est différent nous dit Patrick Lagacé dans le journal La Presse.[1] La Russie envahit l’Ukraine, une dictature qui agresse une démocratie qui se veut européenne, alliée de tout ce que le monde compte de démocraties libérales.
Nous entrons très probablement dans une nouvelle ère géopolitique dont on ne sait encore si les démocraties en sortiront plus solides. L’appel du président ukrainien Volodymyr Zelensky a eu beaucoup de portée quand il a dit après un mois d’agression :
« Un mois, déjà. C’est long. Ça me brise le cœur, comme celui de tous les Ukrainiens, et de chaque personne qui vit librement sur cette planète. » Debout dans la nuit de Kyiv, le président Volodymyr Zelensky livre son message en ukrainien et en anglais. Après s’être adressé aux élus canadiens, américains, français et japonais, entre autres, M. Zelensky s’est tourné vers les citoyens du monde entier qui ont les yeux rivés sur son pays depuis des semaines. « Le monde doit arrêter la guerre ». C’est pourquoi, enchaîne-t-il, il demande aux citoyens de descendre dans les rues des villes du monde entier pour protester contre l’invasion de son pays par la Russie. « Manifestez votre appui. Manifestez de vos bureaux, vos maisons, vos écoles et vos universités. Manifestez au nom de la paix ! » « Allez-y avec des symboles ukrainiens pour défendre l’Ukraine, pour défendre la liberté, pour défendre la vie ! », implore le président.
Judith Lachapelle, « Manifestez »
[1] Lagacé, P. : Cette fois, c’est différent
Les syndicats et les coopératives du Québec et du monde : solidaires de l’Ukraine!
La résistance des Ukrainiens est exemplaire. Notre soutien s’imposait dès les débuts et s’impose encore : les organisations syndicales québécoises et de par le monde l’ont fait sans hésitation et sans ambiguïté : la Confédération syndicale internationale (CSI), à laquelle est affiliée tant la CSN que la FTQ, a créé un fonds de solidarité pour les deux grandes organisations syndicales ukrainiennes.
« Nous exprimons notre solidarité avec le peuple ukrainien, avec les travailleurs et les syndicats. Nous réitérons la condamnation de l’attaque russe contre l’Ukraine, exigeons l’arrêt immédiat des opérations militaires, que les troupes russes quittent le pays et que le dialogue et les pourparlers réels pour la paix soient intensifiés. »
Dans la foulée, la Confédération syndicale internationale (CSI) a aussi invité ses membres à contribuer au fonds de solidarité syndicale international qui vise à soutenir les travailleurs ukrainiens et les deux organisations syndicales ukrainiennes membres de la CSI, le FPU et le KVPU[1].
L’Alliance coopérative internationale (ACI) a fait de même. Pour ne nommer qu’une seule organisation québécoise, SOCODEVI, branche internationale du mouvement coopératif, est effectivement allée dans ce sens (faire un don).
[1] CFDT, Ukraine : le syndicalisme européen et la CFDT se mobilisent, CFDT Syndicalisme Hebdo.
Note : la CFDT est l’équivalent français de la CSN.
2. L’invasion de l’Ukraine et ses répercussions en Afrique : une menace de plus pour la sécurité alimentaire
Une crise alimentaire pire qu’en 2008 se profile à l’horizon
Un récent rapport de la FAO fait le constat que la crise alimentaire en Afrique risque fort d’être pire que celle de 2008 : depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’un des principaux sujets de préoccupation est la crise alimentaire.
Ces deux pays comptent ensemble pour plus de 30 % des exportations mondiales de céréales[1].
Concrètement l’Ukraine occupe la moitié des exportations d’huile de tournesol, la Russie pour 13 % de celles des engrais et 11 % de celles de pétrole. Des facteurs qui sont au cœur de la production, de la transformation et du transport des aliments, rapporte la FAO.
Le choc initial sera d’abord ressenti dans les endroits où l’on était déjà au bord de la famine comme l’Afghanistan, le Yémen ou l’Éthiopie.
Mais le phénomène ne s’arrêtera pas là, préviennent les experts, et il pourrait faire particulièrement mal aux pays les plus pauvres, c’est-à-dire des pays du Sud, pays où, en moyenne, 40 % des dépenses de consommation vont à l’alimentation, contre 17 % dans les pays développés.
En 2020, en période de crise sanitaire, la prévalence mondiale de l’insécurité alimentaire avait autant augmenté que lors de l’ensemble des cinq années précédentes et concernait alors près d’une personne sur trois dans le monde (2,37 milliards).
La hausse des prix de l’énergie, les difficultés de transports, les goulots d’étranglement dans l’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs font plus que jamais partie de l’équation.
C’est sans compter que nombre de ces pays, notamment en Afrique de l’Ouest, doivent composer avec les répercussions des bouleversements climatiques.
« Rétrospectivement, les crises alimentaires de 2007-2008 et 2011-2012 apparaissent finalement moins graves en comparaison de ce à quoi nous faisons face en 2022 », prévient l’International Food Policy Research Institute (IFPRI), un centre de recherche spécialisé américain.
Facteur aggravant pour l’Afrique : les gouvernements partout dans le monde, et particulièrement en Afrique, sortent de la pandémie de COVID-19 avec beaucoup moins de marge de manœuvre financière pour venir en aide à leur population que par le passé.
Importateurs de blé russe et ukrainien, nombre de pays africains ne possèdent des réserves que pour six mois tout au plus. Et les solutions alternatives sont encore peu nombreuses et prennent du temps.
C’est ce que le PAM, le Programme alimentaire mondial de l’ONU, posait comme diagnostic : les pays africains produisent 23 millions de tonnes de blé mais importent 40 millions de tonnes chaque année. Ils ont importé des produits agricoles d’une valeur de 4 milliards de dollars en 2020 en provenance de Russie (blé et huile de tournesol surtout).
L’Ukraine, quant à elle, a exporté près de 3 milliards de dollars de produits agricoles vers le continent africain. Environ 48 % de ces produits étaient du blé, 31 % du maïs, le reste étant constitué d’huile de tournesol, d’orge et de soja.
Conséquence de tout cela : les prix des céréales s’envolent et les hausses risquent fort de se poursuivre.
Les risques sont jugés importants en Afrique de l’Ouest, où la situation agricole est particulièrement dégradée.
Par exemple le Sénégal importe 50 % de son blé de Russie. Les craintes de voir le prix du pain s’emballer sont perceptibles à Dakar, où la baguette est ancrée dans la consommation des ménages.
Les céréales locales sèches produites au Sénégal sont le mil, le sorgho et le maïs.
À moins que le projet de promotion de la souveraineté alimentaire par la valorisation des céréales locales (PSAVRL) – le mil, le sorgho et le maïs – soit relancé parce qu’il vise précisément à la substitution de ces céréales sèches au blé dans la production de pain par les boulangers et les femmes transformatrices[2].
Bref une alternative au blé russe se dessine déjà! Et une occasion pour une coopération comme celle du Québec et d’autres pays d’accorder une attention particulière au potentiel de cette filière.
La souveraineté alimentaire est donc plus que jamais à l’ordre du jour[3].
[1] Une crise alimentaire pire qu’en 2008 se profile à l’horizon, Éric Desrosiers, Devoir du 2 avril 2022
[2] Les céréales locales au service de la souveraineté alimentaire.
Voir la petite vidéo qui a inspiré ce programme gouvernemental : des initiatives paysannes ayant pris forme dans la foulée du Forum social mondial de Dakar en 2011 : Mil et une solutions
[3] Jacquemot, P. (2022) La guerre en Ukraine aggrave le risque de famine en Afrique. Alternatives économiques du 18 mars, Paris.
3. Guerre et climat : la transition énergétique au cœur des enjeux au Nord comme au Sud
Le dernier rapport du GIEC, le 6e rapport depuis 1990, rédigé par 234 scientifiques de 66 pays à partir de l’analyse de plus de 14 000 études, avance que maintenant c’est « l’alerte rouge pour l’humanité ».
Et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, d’ajouter qu’« il n’y a pas de temps à perdre ni d’excuses à trouver » (Bilan du monde 2022, p.64-65).
Pour la première fois, le GIEC introduit également la notion de points de basculement, des seuils de rupture entraînant un emballement du système. On ne rit plus!
Dans notre monde, il y a donc, d’un côté, ceux pour qui il faut répondre maintenant à l’urgence climatique, mais de l’autre, ceux pour qui les questions écologiques sont présentes parmi d’autres préoccupations. Autrement dit pour ces derniers, il ne vaut pas la peine de se presser.
Il est évidemment assez singulier en 2022, après d’une part, les alertes de plus en plus pressantes du GIEC c’est-à-dire des scientifiques et, d’autre part, des événements climatiques extrêmes récurrents un peu partout, qu’on n’ait pas encore réussi à en faire l’enjeu le plus crucial de notre présent et de notre avenir.
Ce questionnement vaut aussi pour notre solidarité avec des communautés du Sud.
Il y a cette fichue dépendance aux énergies fossiles, partout dans le monde, au Nord comme au Sud, révélateur principal du nécessaire changement systémique des infrastructures économiques locales vers des énergies renouvelables.
C’est un des dessous clés de la tragédie ukrainienne :
De nombreux pays africains ont refusé de se prononcer à l’ONU sur l’invasion russe en Ukraine, signifiant que cette guerre n’était pas la leur. Pourtant, le continent en ressent déjà amèrement les effets, à travers les hausses des prix alimentaires et de l’énergie[1].
Cependant cette guerre pourrait bien accélérer le virage toujours trop lent vers la transition énergétique.
Mais elle risque par ailleurs de nuire aux négociations climatiques, qui peinent déjà à placer la planète sur une trajectoire climatique viable de dire A. Shields dans le Devoir (26 mars 2022).
C’est pourquoi des centaines d’ONG ont appelé le monde à mettre fin à la « dépendance aux énergies fossiles » considérée comme un moteur de l’invasion russe de l’Ukraine[2].
Il est « clair que la machine de guerre (russe) a été financée, nourrie et alimentée par les industries du charbon, du pétrole et du gaz qui encouragent à la fois l’invasion de l’Ukraine et la crise climatique », écrivent dans une lettre ouverte ces organisations, dont 350.org et Climate Action Network ainsi que des dizaines de groupes ukrainiens.
« Toutefois, il est impératif que le monde ne se contente pas de remplacer les énergies fossiles produites en Russie (en particulier le gaz) par d’autres énergies fossiles venues d’autres pays », insistent les signataires.
[1] Marie de Vergès, L’Afrique paie déjà le prix de la guerre en Ukraine
[2] Des ONG réclament la fin de « la dépendance aux énergies fossiles »
4. Alors que faire? Quelle pourrait être les priorités de notre solidarité internationale à partir de maintenant ?
L’Afrique et ses nouveaux colonisateurs
Le continent africain est dépendant des énergies fossiles à plus de 75 % pour sa production électrique, tandis que plusieurs projets de centrales à charbon ont reçu leur feu vert en 2020.
L’un des plus emblématiques se situe au Zimbabwe. La centrale thermique de Sengwa, d’un coût total estimé à 3 milliards de dollars pour 2 800 mégawatts, a reçu un soutien décisif sous la forme d’importants financements chinois nous dit le journal Le Monde (23 juin 2020)[1].
En fait, « les Chinois construisent tout ce qu’ils peuvent, note Bradford Griffin, directeur du Canadian Energy and Emissions Data Centre, à l’Université Simon Fraser, à Vancouver. Ils construisent des centrales au charbon, des centrales au gaz naturel, de grandes centrales hydroélectriques, et ce sont les plus grands nouveaux vendeurs d’éolien et de solaire au monde. Ils se développent tellement qu’ils font tout, en fait »[2].
Plus largement, les entreprises et les banques chinoises sont impliquées dans le financement d’au moins une douzaine de projets de centrales au charbon sur le continent et plusieurs autres sont en cours de réalisation, selon des données compilées par Global Energy Monitor.
« La Russie est également présente en Afrique depuis des années, pas seulement dans le domaine militaire mais aussi dans les secteurs agricoles, énergétiques…dans le cadre d’accords de coopération » dit Pilar Rangel, professeur à l’Université internationale d’Andalousie à la Radio Télévision Belge Francophone (rtbf.be).
Mais alors comment l’Afrique peut-elle sortir de cette dépendance alimentaire et énergétique?
Dans un tel contexte que peut faire notre coopération québécoise et canadienne avec l’Afrique ?
Pour ce qui nous concerne – la coopération de proximité des OCI – plus d’une trentaine sont présentes en Afrique de l’Ouest. En tête de liste, le Sénégal.
À coup sûr, une nouvelle priorité surgit : elle se doit d’être plus économique pour lutter contre la dépendance du marché international tant au plan énergétique qu’au plan alimentaire. Explication.
En premier lieu, plusieurs pays africains commencent à réaliser que la dépendance aux énergies fossiles leur est préjudiciable.
Des pays comme le Maroc ou le Sénégal visent une production beaucoup plus grande de leur électricité issue des énergies renouvelables à l’horizon 2030.
De même la société civile (organisations paysannes, communautés locales, autorités locales…) se mobilise aussi contre les projets polluants : en 2019, un tribunal kényan a refusé d’accorder sa licence au très controversé mégaprojet de centrale à charbon de Lamu et le Sénégal, la même année, a annulé la construction de la centrale à charbon de Sendou.
De plus, nombre d’institutions de financement du développement se retirent de certains projets, comme la Banque africaine de développement, ou s’engagent à ne plus en financer, comme le fait la Banque de développement néerlandaise, qui faisait partie des investisseurs de la centrale de Sendou nous informe un article du Monde signé par un collectif d’ONG et d’agences engagées dans un travail de transition énergétique (23/6/20) car dit-il :
Les énergies du futur devront être résilientes et abordables, en Afrique encore plus qu’ailleurs. Seules les énergies renouvelables peuvent répondre à ces défis. Leur nature décentralisée permet d’en faire bénéficier le plus grand nombre. Leur fonctionnement, moins impacté par la perturbation des systèmes d’approvisionnement en période de crise, apporte une plus grande résilience.
Plus près de nous des organisations paysannes du Sénégal que nous connaissons ont réussi à sortir de cette dépendance venant des importations dans la production du riz avec le soutien de l’UPA DI :
La route du riz au Sénégal : la route vers l’autosuffisance
Chaque année, l’Afrique dépend davantage des importations pour son alimentation. Mais au cœur de la Vallée du fleuve Sénégal, une véritable révolution rizicole est en marche. De vœux en souvenirs, entre réalité et fiction, Pathé, un producteur de riz sénégalais, nous raconte la longue et précieuse route vers l’autosuffisance dans le cadre d’une collaboration entre une organisation paysanne, la Fédération des périmètres autogérés (la FPA) et l’UPA DI de 1993 à aujourd’hui.
UPA Développement international, Vœux et souvenirs : La route du riz au Sénégal
Dans la foulée de cette nécessaire autonomie alimentaire et énergétique, UPA DI, le Fonds Solidarité Sud et la Caisse d’économie solidaire Desjardins, ont commencé à développer un projet commun de sécurité alimentaire et d’électrification rurale verte avec des organisations paysannes du Sénégal et du Burkina Faso, ces organisations paysannes pouvant être considérées comme base d’appui principale des communautés rurales majoritaires dans ces pays.
Dans le récent ouvrage que nous avons produit sur le parcours du Fonds, nous écrivons ceci :
Nous avons appris au fil du temps avec nos partenaires québécois et africains et par nos recherches que l’Afrique sub-saharienne est la région la moins électrifiée du monde et en même temps qu’elle a le plus grand potentiel inexploité au monde. En outre, l’agriculture rurale et périurbaine est encore pour beaucoup une économie de subsistance destinée seulement à nourrir les familles, ce qui les enferme dans le cycle vicieux de la pauvreté. L’impératif est qu’elle devienne génératrice de plus de revenus et de façon durable. L’assise économique principale de ces communautés passe par l’agriculture.
[1] « Les énergies du futur devront être vertes, résilientes et abordables, en Afrique plus qu’ailleurs »
[2] L’énergie renouvelable, lueur d’espoir dans la lutte contre les GES
Ce faisant, avec une électrification rurale verte, nous sautons par-dessus la voie traditionnelle (charbon, pétrole, gaz) et nous passons directement aux énergies alternatives (solaire, éolien, biomasse de 2e génération, hydraulique villageoise).
C’est que l’électricité renouvelable est centrale aujourd’hui dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et contre le changement climatique. Et qu’elle est entrée dans le champ des possibles depuis au moins une décennie[1].
Au cours des années 1990 avec Rio 1992, il est devenu de plus en plus clair que le changement climatique allait devenir l’un des grands enjeux de nos sociétés au Nord comme au Sud. Dans cette dynamique l’électricité est devenue de plus en plus une pierre angulaire de la nouvelle stratégie de développement combinant la lutte contre l’insécurité alimentaire et le changement climatique pour les pays du Sud. Bref il faut pouvoir offrir aux communautés des services énergétiques durables. Autrement dit des investissements dans les infrastructures économiques locales. Le dernier rapport du GIEC vient encore de le confirmer : « D’une manière générale, les scientifiques s’accordent à dire que la transition vers une société à faible émission de carbone passera par un changement systémique des infrastructures et des comportements », souligne le dernier rapport du GIEC.
Alexandre Shields, Sauver le climat passe par un «changement de mode de vie»
Et par-delà ces initiatives d’électrification ou de développement de filières particulières, l’enjeu majeur est bien celui de chaînes d’approvisionnement locales et régionales à circuit court, lesquelles disposent de plusieurs avantages : réduction des coûts de transport, diminution des risques d’affaires et de la pollution, en plus de favoriser la production et l’innovation locales. D’autant plus que les grandes chaînes mondiales se sont mises à dérailler sérieusement[2]. Cela vaut pour le Québec comme pour tous les pays, encore plus dans les pays du Sud, moins équipés que nous pour faire face à la musique.
[1] Voir à ce propos le billet de blogue du Fonds Solidarité Sud : Développement économique local dans les pays du sud : l’avenir des services énergétiques
[2] Éric Desrosiers, La nouvelle mort annoncée de la mondialisation
Principales sources d’information
Journaux et revues
Afrik 21, Agence France Presse, Le Devoir, La Presse, Le Monde et Le Monde Afrique, Alternatives économiques, le Nouvel Observateur (l’OBS), la revue Sciences humaines.
Organisations syndicales, coopératives et paysannes
- Le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux, le CNCR (Sénégal)
- La Confédération paysanne du Faso, la CPF (Burkina Faso)
- Enda Énergie et Sen’Finances (Sénégal)
- La Confédération syndicale internationale (CSI)
- L’Alliance coopérative internationale (ACI)
Organisations de solidarité internationale
- UPA DI et SOCODEVI (Québec)
- SOS Faim (Belgique)
- Terre solidaire et la SIDI (France)
Travaux de recherche
- Favreau, L. (2022), Le Fonds Solidarité Sud : histoire, parcours et perspective. CRDC (UQO) et FSS, Montréal, Québec. Télécharger une copie du fichier
- Favreau, L. et L. Fréchette (2019), Solidarité internationale. Écologie, économie et finance solidaire, Presses de l’Université du Québec (PUQ), Québec.
- Cliche, P. et R. Simard (coordination) (2020). Produisons pour construire le Bien Vivre. Mission Inclusion, Éd. Des partenaires, Montréal, Québec.
- Le Monde (2022), Le bilan du monde, Hors-série, Paris.
Des semences locales produites par le laboratoire d’une fédération paysanne sénégalaise pour 2 050 fermes de la région de Thiès.