Entrevue d’Évelyne Foy avec Yves Galipeau de retour du Sénégal
Yves Galipeau est retraité de l’enseignement supérieur. Il a notamment été directeur du projet d’appui au système d’éducation gabonais et directeur du programme canadien de bourses de la Francophonie au Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu. Il a travaillé à la mise en place du programme technologie solaire appliquée à l’Université de Ouagadougou au Burkina Faso pour l’École Polytechnique de Montréal. Il a terminé sa carrière au Cégep de la Gaspésie et des Îles dont il a été le directeur général.
Yves Galipeau sur l’Île de Barbarie à St-Louis au Sénégal en novembre dernier.
De passage au Sénégal en novembre dernier, Yves Galipeau, membre du comité recherche et développement du FSS a visité un établissement de formation, l’ISEP de Thiès et une ONG reconnue en matière d’énergies renouvelables, ENDA Énergie. Il nous fait part de ses découvertes.
La formation en énergies renouvelables à l’ISEP de Thiès
L’Institut supérieur d’enseignement professionnel (ISEP) de Thiès a été mis en place avec l’appui des cégeps du Québec, on y forme des techniciens supérieurs suivant l’approche par compétences dans plusieurs disciplines dont celle des énergies renouvelables.
Q : Qu’est-ce que tu as découvert lors de cette visite?
Yves Galipeau : Je me suis rendu à Thiès dans les nouveaux locaux de l’ISEP. De magnifiques bâtiments érigés sur un vaste terrain de 15 ha en périphérie de la ville. J’y ai notamment rencontré le professeur responsable du département Énergies renouvelables et environnement, le professeur Papa Ndiaga SEYE.
Ce département supervise deux programmes : (1) énergies renouvelables et (2) conseil info-énergie. La première année est commune aux deux programmes. Elle couvre la production d’électricité classique (très peu d’hydro-électricité et beaucoup de centrales thermiques). La deuxième année du programme énergies renouvelables est orientée vers le dimensionnement, l’installation et la maintenance des systèmes solaires photovoltaïques. L’autre programme s’intéresse au mix énergétique et au choix des technologies les plus appropriées.
Ces programmes ont débuté en 2016. Il y a donc 4 cohortes d’une quarantaine d’étudiants qui ont été formées dans chacun de ces programmes. Le taux de placement en entreprise ou en auto-emploi serait de l’ordre de 90%.
Q : Quelle est l’importance de la formation en énergie renouvelable dans le cadre de la mise en place d’un projet pilote tel qu’envisagé par le FSS?
Yves Galipeau : Depuis quelques décennies, on assiste à de nombreuses initiatives visant à permettre l’accès à l’énergie solaire aux populations rurales des pays du Sud. On a pu constater qu’un des facteurs favorisant la pérennité des installations techniques était la disponibilité, sur le terrain à proximité, de personnes adéquatement formées, aptes à dimensionner, installer et surtout, réparer les équipements. Ces techniciens sont également en mesure de former les utilisateurs aux bases de l’entretien préventif.
ENDA Énergie : action, formation, recherche
ENDA Tiers Monde (Environnement, Développement et Action dans le Tiers Monde) a été créée en 1972 à Dakar, par des hommes et des femmes qui croyaient en la possibilité d’un développement qui respecte l’environnement et en la recherche de justice sociale pour tous. ENDA ENERGIE est l’entité en charge des questions liées à l’environnement (le changement climatique, la lutte contre la désertification et la réduction des risques de catastrophes), au développement et à l’énergie notamment la planification énergétique, la promotion des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. ENDA Énergie est une organisation vouée à l’action, la formation et la recherche. Yves Galipeau y a rencontré le coordonnateur des programmes, M. Emmanuel Seck.
Q : Que retiens-tu de cette visite ?
Yves Galipeau : Je me suis senti au sein d’une ruche où se brassent des idées, des projets me rappelant mes expériences avec des ONG québécoises. On y sent une vision cohérente et réfléchie appuyée sur une longue expérience.
ENDA Energie aborde la problématique de l’énergie en mettant l’accent sur sa dimension transversale. L’organisation donne beaucoup d’importance à la fourniture du service final, la satisfaction des besoins économiques et sociaux, les équipements appropriés pour les utilisateurs les plus pauvres, et les sources d’énergie durables. Cette approche basée sur les besoins et donc les secteurs, permet d’apporter des réponses adéquates durables aux préoccupations de développement économique et social. Elle permet aussi de mieux apprécier les enjeux technico-économiques qui doivent déterminer les types d’intervention. Cette articulation des services énergétiques avec les autres secteurs (agriculture, eau, éducation, santé, etc..) permet de développer la demande d’énergie notamment en milieu rural. (Site web Enda Énergie)
Q : Peux-tu nous parler de projets qui peuvent inspirer le FSS?
Yves Galipeau : M. Seck m’a d’abord parlé du projet PROGRES-Lait « Programme Régional Énergie Solaire et Chaine de valeur Lait », en cours à Saint Louis et Louga (Nord) de même qu’à Kolda (Sud). Il s’agit d’un programme de promotion de l’entrepreneuriat rural à travers le développement de la chaîne de valeur lait et l’accès à l’énergie. Il met à la disposition des acteurs à la base, notamment les femmes, des plateformes énergétiques pour la conservation du lait suivant une approche de Partenariat Public Privé à vocation Communautaire (PPPC) comme instrument de développement du marché du lait.
Ainsi, 45 mini-plateformes solaires entrepreneuriales ont été installées et 25 laiteries solaires pour la conservation et la pasteurisation du lait et la fabrication qui approvisionnent les grandes entreprises de transformation (laiteries industrielles). Ces installations raccordent également plus de 1000 ménages pour l’éclairage (soit 10 000 personnes), la recharge de téléphone, la mouture des grains et la soudure.
Un mécanisme de financement est aussi mis en place pour garantir la pérennité du programme. On cherche ainsi à renforcer et professionnaliser les petits producteurs et les organisations communautaires de base liées au projet. Ce projet est mené en partenariat, entre autres, avec le gouvernement du Sénégal (Ministère de l’Élevage et des Productions animales), l’Agence sénégalaise des énergies renouvelables (ASER) et l’Union Européenne.
Les projets sont nombreux et menés sous le même modèle : combiner développement économique, renforcement des communautés et groupes de base avec l’électrification liée à des activités productives. On effectue pour chacun une étude approfondie des technologies et plateformes énergétiques les plus appropriées. On souhaite, incidemment, tester et promouvoir un modèle de gouvernance énergétique impliquant les collectivités locales. Les projets sont menés en collaboration avec les groupes de base, des ministères, des bailleurs de fonds internationaux. Ceci me semble rejoindre l’approche du FSS!
On peut aussi citer le Programme Énergie Durable pour l’Entrepreneuriat et le Climat, un programme financé par la Coopération allemande (GIZ). Il est déployé dans les régions de Saint- Louis, Thiès, Kolda, Fatick et la zone des Niayes. Ce programme consiste, sur la base de modèles d’affaires, à promouvoir les usages productifs des énergies renouvelables avec un focus sur le solaire photovoltaïque pour la création d’emplois verts décents pour les jeunes et les femmes vivant en milieu rural et péri-urbain.
En matière de recherche et plaidoyer, ENDA Énergie est également très inspirant pour le FSS. Par exemple, ils ont étudié la question de la formation en énergie renouvelable dans les pays d’Afrique de l’Ouest et réalisé une recherche portant sur le genre et l’usage productif de l’énergie dans le secteur alimentaire informel au Sénégal.
ENDA Énergie a créé en 2007 le Réseau Climat et Développement (RC&D). Ce réseau regroupe 80 associations francophones, principalement africaines, qui travaillent à l’articulation entre changements climatiques et développement.
Il s’agit sûrement d’une organisation avec laquelle envisager des collaborations!
ENDA Énergie travaille aussi en collaboration avec SenFinances, une fondation d’utilité publique en matière de microfinances. Nous reviendrons sur ce point dans une prochaine édition